TLDR Dans nos communes de petite couronne à l’espace contraint, priorisons la survie des arbres dans notre voirie. Ce sont les témoins de notre volonté sérieuse d’affronter les crises écologiques.
La passion voirie, chez certains…
En m’engageant en politique, je m’attendais à défendre l’éthique. Mon premier engagement, en 2011 à Antony, résulte du désir de contribuer à mettre fin à la Sarkozie et ses nombreuses dérives qui font aujourd’hui la fortune des avocats et des vendeurs de bracelets électroniques. En 2018, date de mon retour au militantisme, je m’attendais à participer à une lutte contre le réchauffement climatique que les élus avaient visiblement décidé de zapper malgré leurs belles paroles.
Ce à quoi je ne m’attendais pas, c’est à devoir me préoccuper de la voirie. Qui en parle avec des étoiles dans les yeux, de la voirie? Ce n’est pas un loisir répandu, à mon avis. La voirie, n’en déplaise à ce cher Paul-André, c’est chiant. Alors, oui, c’est simultanément fascinant, car c’est un exercice intellectuel difficile, domaine d’arbitrages impossibles qui déterminent l’expérience quotidienne de la ville. La voirie sert de multiples façons les gens, qui doivent pouvoir se déplacer dans de bonnes conditions et avec des méthodes diverses, dans un cadre de vie préservé et plaisant, incluant la présence de végétaux, dont les arbres.
… c’est une passion arrachage
Bref, je m’interroge encore sur ce qui se passera in fine sur le tronçon Nord de la RD920, où des centaines d’arbres devaient être arrachés. Avec mes camarades de Montrouge Écologique et Solidaire, nous avions publié une tribune dans Montrouge Mag à ce sujet en septembre dernier. Cette prise d’expression était la dernière après moult débats en conseil municipal, contributions à enquête publique, voire interventions en réunion publique – à celle de Bagneux en février 2023, ma plaidoirie pour qu’on ne tue pas d’arbres avait recueilli les applaudissements des citoyens, associatifs et élus qui avaient fait le déplacement. Les Écolos de Montrouge sont un groupe politique parmi d’autres à avoir proposé des alternatives. Si le projet a avorté après le retrait du département du Val-de-Marne, la question n’est pas réglée et, ailleurs, régulièrement, on continue à abattre des arbres sains.
On peut comprendre, la voirie étant un espace fini, qu’il faille continuellement arbitrer entre, par exemple, biodiversité et accès aux services publics, entre transports en commun et piétons, etc. Ne nous laissons cependant pas enfermer dans l’idée de départ qu’il n’y a pas d’alternative: mettons le paquet pour conserver l’essentiel et recherchons – et trouvons – des options.
Replacer l’arbre au milieu du village
Ensuite, concernant les arbres, à quel point est-ce important de les préserver? Au-delà de l’attachement naturel aux arbres qui je pense est communément ancré en nous, je me pose vraiment la question.
L’atténuation du dérèglement climatique (la baisse des émissions de dioxyde de carbone) se joue-t-elle en ville? Non, nos arbres mal nourris et esquintés ne sont pas un puits de carbone comparable à ce que la campagne peut offrir. Ne surévaluons pas, même à la campagne, leur rôle, comme le font tous les écoblanchisseurs avec ces programmes de compensation illusoires et trafiqués. Nous ne sommes pas non plus dans le film Avatar, comme le pointe une enquête récente du magazine Epsiloon déconstruisant certains aspects de « la vie secrète des arbres« .
En revanche, l’arbre joue en ville un rôle puissant pour l’adaptation au dérèglement climatique. L’ombre et l’évapotranspiration de deux alignements de platanes, arrachés, manque désormais sur les allées Jean Jaurès, devenues, pour longtemps, un cagnard lorsque l’été est brûlant, ce qu’il est de plus en plus souvent. Craignons d’ailleurs que la municipalité, toute affairée à des projets à proximité de la gare de Châtillon-Montrouge, ne fasse subir le même sort aux arbres plus au sud sur l’avenue Jean Jaurès.
L’arbre, traité comme un élément de mobilier urbain, n’en est pas un. Un arbre, normalement, ne change pas de lieu d’enracinement. Ses racines se répandent, interagissent avec les champignons (le mycélium) et structurent le sol. Ils jouent un rôle pour l’absorption et la restitution de l’eau, sont des havres pour de nombreuses espères végétales et animales. Arracher et replanter un arbre ne se fait pas sans perte ni douleur. Les blessures ouvertes par les engins de chantier peuvent permettre aux parasites de tuer l’arbre. Arracher un arbre, c’est perdre des décennies de travail naturel du sol, qui a un rôle crucial pour l’adaptation, cf. le Rapport de la Plénière de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques sur les travaux de sa sixième session (2018).
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Nous dépendons des arbres et ils dépendent de nous. Nous devons tirer les conclusions de cette interdépendance écologique et adopter une solidarité écologique au sens où l’entend l’IPBES (PDF). Il faut désartificialiser la ville le plus possible pour retrouver les qualités perdues avec l’artificialisation et la dégradation des terres: perte de biodiversité et de services écosystémiques. Il faut une politique du sol dans notre banlieue empoisonnée par son passé industriel, percée de carrières, recouverte de bitume, où l’eau de pluie est gérée comme un déchet. Les arbres sont au cœur de toute politique du sol, puisque ce sont eux qui produisent le sol. Ils vivent des siècles tandis qu’un mandat territorial dure six ans : le décalage du tempo oblige à se projeter sur le long terme, tout cela pour quelque chose d’invisible (le sol).
Quels sont les outils pour ce travail ? Quelle direction prendre ? Un certain nombre de documents encadrent les choix de voirie et d’aménagement. En ce qui concerne Montrouge (92), il s’agit du Schéma directeur environnemental de la région Île-de France (SDRIF-E), du Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT) de la Métropole du Grand Paris et du Plan local d’urbanisme intercommunal de Vallée Sud Grand Paris (la position des Écolos de Montrouge). Tous ces documents ont réussi à faire mieux que les versions précédentes tout en échouant à cranter l’action publique au niveau correct pour une action écologique efficace, car l’écologie requise en 2025 est devenue, par la force de l’inaction coupable des dernières décennies, une écologie très volontariste. Les moyens qu’il faut déployer au pied du mur sont sans comparaison avec ceux d’il y a vingt ou trente ans.
De mon point de vue, le travail mesure par mesure, projet d’aménagement par projet d’aménagement, ne peut fonctionner que si un cap clair est fixé. Posons la question d’une réparation étalée sur plusieurs décennies, avec comme objectif une ville qui absorbe l’eau et permette le rechargement des nappes phréatiques, où l’effet d’îlot de chaleur urbain soit moins intense qu’il ne le serait sans les arbres. Sanctuariser les arbres symbolisera cet engagement pour le bien de toutes et tous.
Au plan local d’urbanisme de la commune d’Arcueil est annexée une charte de l’arbre :
“Par principe, le projet doit s’adapter à l’arbre et non l’inverse.
Par principe, toujours, les arbres existants doivent être conservés.”
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