Un débat sur ce thème a eu lieu lundi 21 novembre au Celsa, école des métiers de l’information et de la communication dépendant de la Sorbonne. Le compte-rendu décousu qui suit ne prétend ni à l’exhaustivité ni à la reproduction texto des propos tenus ; les commentaires et corrections de points sont bienvenus.
Pour Jean-Pierre Beaudouin, l’animateur, le thème s’est imposé comme une “évidence”. A titre personnel, je pense qu’on peut pointer du doigt à la fois l’actualité française (scandales politiques) et internationale (scandales économiques).
Michèle Cotta (représentante du monde des médias)
La journaliste politique considère qu’il y a en ce moment un jeu de massacre, en grande partie mené par la presse, qui concerne le pouvoir en place comme l’opposition. Les meneurs de ce jeu ont changé : “Auparavant, on trouvait l’information le matin à la radio et l’après-midi dans Le Monde. Maintenant, on la trouve le matin dans Mediapart, puis dans les éditoriaux, puis dans Le Monde.” Or la presse électronique, pour M.C., bénéficie de plus de contacts, mais ne vérifie pas assez ses sources.
Délégitimation dans les entreprises ?
La revendication d’égalité ne touche pas les capitaines d’industrie. La légitimation oligarchique et héréditaire, nulle en politique, est très importante dans l’économie. (Des héritiers-dirigeants sont cités en exemples.)
“Arrivons-nous au bout de la démocratie ?” Michèle Cotta confesse que, par le passé, elle imaginait l’avènement des experts. Ce n’est pas du tout arrivé : au contraire, chacun veut avoir son mot à dire, y compris sur ce qu’il ne connaît pas. Il y a 40 ans, à la rédaction de L’Express, M. C. ne tenait pas compte des lettres de lecteurs, “des dingos”. De nos jours, les sites web leur offrent des tribunes et les réactions du lectorat font l’objet de débats internes.
“Nous avons sous-estimé le pouvoir d’Internet : il y a une déstructuration de notre mode de vie.”
“Il y a une crise de la démocratie. Le mythe de la démocratie directe est ravageur pour la démocratie représentative.”
Comment faire face à cette crise de légitimité ?
“Tout dépend du niveau de vie.” M.C. pense que la grande remise en cause de la légitimité des figures du pouvoir découle d’un abaissement du niveau de vie. Si un transfert de richesse de l’Europe vers ailleurs se produit, elle est pessimiste sur la légitimité future de ses dirigeants.
Xavier Huillard (représentant du monde des entreprises)
Délégitimation dans les entreprises ?
Le PDG de Vinci, un groupe qui vit des dépenses publiques, s’est concentré sur la (dé)légitimation des figures du pouvoir économique. Il y a pour lui une “crise de confiance” qui n’exclut pas une certaine schizophrénie, les Français soutenant leur employeur tout en étant prompts à dénigrer l’entreprise d’en face. Par ailleurs, “tout le monde touche à tout et donc il y a une délégitimation de tout le monde.” Ainsi, tandis que le monde associatif adopte des règles issues du monde économique (entrepreneuriat social), la “porosité entre les sphères du pouvoir” se traduit par des épisodes comme celui de la “prime à mille euros”, alors qu’il juge les hommes politiques illégitimes sur ce terrain.
Il refuse une confusion des genres, donc, mais invoque les mânes de Ford et consorts pour rappeler que l’entreprise, historiquement et par vocation, appartient à plus que juste ses actionnaires, même si seuls ceux-ci peuvent voter. En fait, les “écosystèmes” dans lesquels évoluent les dirigeants sont devenus si complexes que l’énergie de ceux-ci est dépensée à les comprendre au lieu de construire du sens, de l’utilité publique pour les entreprises.
Ses recommandations :
– les entreprises doivent communiquer sur leur projet ;
– on ne peut pas tout diriger du sommet, il faut promouvoir l’autonomie.
X.H. promeut la transparence comme antidote contre le risque de prise de grosse tête des dirigeants (“je suis un génie”). Mais il se méfie aussi des risques liés au fait de s’exposer. Sa règle de conduite est de jouer la transparence de base sur tout, et de procéder par exceptions raisonnées.
Comment faire face à cette crise de légitimité ?
Une bonne organisation, c’est de la cohérence, de l’autorité et de la responsabilité.
“Il y a un développement irréversible des partenariats public / privé”, explique le patron d’un des plus grands groupes mondiaux de bâtiments – travaux publics : “Il faut mener une réflexion sur le partage du pouvoir, sur la légitimité, et éviter la nostalgie du passé sur le partage des rôles.”
Raymond Soubie (représentant de la sphère politique)
Cet ancien conseiller de Nicolas Sarkozy rappelle que “la légitimité, c’est la conformité à l’ordre des règles préétablies”. De ce côté-là, “pas de problème : le pouvoir respecte les règles”. En revanche, il diagnostique une perte de reconnaissance des institutions politiques et d’entreprise. Le problème est pour lui cette absence de reconnaissance. “Les Français considèrent qu’ils ne croient plus au projet politique et aux entreprises.”
Par ailleurs, “les enquêtes montrent qu’il y a dans le management une impression de solitude, du désarroi, une déconnexion face à la complexité des systèmes où on se perd”.
C’est la même chose en politique. Il y a un décalage entre les promesses que les hommes politiques font pour être élus et la portée de leurs responsabilités. Les hommes politiques, en soulevant ces attentes, “creusent la tombe de leur délégitimation”.
Or, avec Internet, “n’importe qui peut dire n’importe quoi. Tout le monde est sur le même plan. Tous les coups tordus sont possibles, et l’homme politique court après les rumeurs.”
En conséquence, il y a deux sortes de transparence. La bonne, c’est la déclaration d’intérêts des responsables. La mauvaise, c’est la transparence absolue.
J.-P.B. tente une synthèse ce que dit R.S. : “Les décisions sont de moins en moins personnelles et le pouvoir de plus en plus solitaire.”
Les recommandations de R.S. :
– Il ne faut pas de contestation trop forte du système.
– Il faut permettre aux gens de s’exprimer (plutôt que de faire ce qu’ils disent).
“Le jeu de la démocratie est mortel pour celui qui s’y livre.” R.S. adopte la posture de l’homme politique qui tire une légitimité de l’Histoire plutôt que du peuple : “Je réalise mes objectifs, tant pis si je suis jugé froid. Je serai légitimé après par l’action que je vais mener.”
Comment faire face à cette crise de légitimité ?
R.S. propose d’accomplir quelques actes symboliques pour les valeurs affichées et de donner la parole aux gens pour qu’ils s’expriment.
Simon Goldsworthy (représentant du monde universitaire)
Ce professeur en relations publiques à l’université de Westminster a mis un bémol aux charges contre les médias et a appelé les figures du pouvoir à avoir le cuir un peu plus dur : “Les hommes politiques ne sont pas les derniers à lancer des rumeurs, ce ne sont pas des victimes.” D’ailleurs, “qui vit par l’épée meurt par l’épée” : en choisissant par exemple d’exposer sa famille, on en fait un objet médiatique valable.
Les relations presse (RP) ont, ironiquement, un problème d’image. Mais les gens détestent Ryanair tout en devenant massivement ses clients. L’industrie des RP emploie beaucoup plus de monde que les médias et fournit la majorité du contenu médiatique. Tout le monde utilise les relations presse, y compris les organisations non-gouvernementales.
S.G. évoque le manque d’intérêt des jeunes pour la politique. Il mentionne les ressemblances entre les partis politiques, dont les programmes sont passés à la moulinette du marketing. Il mentionne aussi que les problèmes de notre temps n’ont pas fait l’objet de débats publics avec votes, qu’il s’agisse de la façon de répondre au terrorisme, de la guerre en Irak, de la crise financière, etc. “Nous élisons des gens pour leur capacité à répondre aux crises futures. Examiner de près ces hommes est donc légitime.”
Comment faire face à cette crise de légitimité ?
Pessimiste, S.G. cite George Orwell : “If you want a picture of the future, imagine a boot stamping on a human face -forever.” “Ces choses vont continuer à faire partie du paysage.”
Deux questions
Quid de l’exemplarité ?
R.S. Pour l’homme politique, c’est se surveiller pour ne pas se retrouver dans les feuilles de chou. C’est aussi ne pas gagner trop d’argent. Cela se traduit par des gestes symboliques assez forts et assez simples.
M.C. Cette exemplarité est à définir, à border.
S.G. Au Royaume-Uni, les hommes politiques, bien qu’enthousiastes, ressemblent de moins en moins à la majorité de la population, elle-même désengagée en politique.
Un Autrichien installé en France depuis une dizaine d’années, professionnel des relations presse : “La démocratie française n’est plus exemplaire, elle est devenue une oligarchie politique, sans séparation des pouvoirs. L’Allemagne est plus fédéraliste ; il y a beaucoup plus de personnes qui décident. Par exemple, en France, une cinquantaine de personnes ont fait le choix du nucléaire à eux seuls.”
R.S. La classe politique est méritante, elle fait un métier difficile.
M.C. Il faudrait se pencher sur le fonctionnement des institutions, “revoir la pyramide”.
Réflexions
J’ai cru sentir M.C. exprimer un désarroi de voir contestée une élite d’experts. Le monde est certes complexe. Mais ces experts d’une autre génération donnent l’impression d’être dépassés par Internet et par les possibilités d’expression que celui-ci offre à une population beaucoup plus éduquée qu’il y a des décennies, lorsqu’ils firent leurs débuts.
X.H. semblait prendre en compte cette impossibilité à prétendre pouvoir tout faire et tout comprendre tout seul au sein d’”écosystèmes complexes”, d’où son appel à promouvoir l’autonomie des employés au sein de l’entreprise.
En même temps, s’il y a un rejet des figures du pouvoir, ce n’est pas par insoumission stérile des “n’importe qui” et autres “dingos”, mais parce que ces personnages ont failli dans leur expertise. Ils se sont trouvés pris au dépourvu par des phénomènes qui n’ont rien de mystique, comme les crises financières. Le fait que “personne ne comprenait les produits bancaires dérivés” qui ont frappé au coeur la croissance mondiale est-il un argument recevable ? (M.C. a eu un moment “It’s the economy, stupid!”, et le mouvement des “Occupy / 99%” qui symbolise récemment la critique du pouvoir met beaucoup l’accent sur les injustices économiques.) Comment être un expert quand on échoue à ce point ? Quand on est à la fois inefficace et qu’on fait preuve d’un manque d’éthique, “l’expertise” n’est qu’une qualité qu’on s’octroie pour discréditer ses interlocuteurs. Elle devient une sorte d’argument ad hominem, “vous n’êtes pas un expert, donc vous ne devriez pas avoir droit à la parole”.
Pour autant, M.C. fait preuve d’une certaine réflexion critique, en contraste avec l’anti-démocratisme assumé de R.S., dont la plupart des propos m’ont atterré. J’écris cela en 2011 et les mots de R.S. auraient peut-être pu être tenus en d’autres temps par le général de Gaulle, géniteur d’une Ve République taillée pour des hommes cabrés sur leurs convictions plus qu’adeptes des débats constructifs des agoras. Le rôle des processus démocratiques semble plus être pour lui de maintenir la paix sociale, de promouvoir le dialogue comme si on donnait un nougat, que de contribuer aux décisions. A mon sens, cela relève d’un orgueil tout sauf « efficient« . Pour moi, ce n’est pas seulement la légitimité qui vient de la collectivité, mais aussi la réponse, les réponses toutes faites d’un individu étant surclassées par la complexité des questions.
Pour Jean-Pierre Beaudouin, l’animateur, le thème s’est imposé comme une “évidence”. A titre personnel, je pense qu’on peut pointer du doigt à la fois l’actualité française (scandales politiques) et internationale (scandales économiques).
Michèle Cotta (représentante du monde des médias)
La journaliste politique considère qu’il y a en ce moment un jeu de massacre, en grande partie mené par la presse, qui concerne le pouvoir en place comme l’opposition. Les meneurs de ce jeu ont changé : “Auparavant, on trouvait l’information le matin à la radio et l’après-midi dans Le Monde. Maintenant, on la trouve le matin dans Mediapart, puis dans les éditoriaux, puis dans Le Monde.” Or la presse électronique, pour M.C., bénéficie de plus de contacts, mais ne vérifie pas assez ses sources.
Délégitimation dans les entreprises ?
La revendication d’égalité ne touche pas les capitaines d’industrie. La légitimation oligarchique et héréditaire, nulle en politique, est très importante dans l’économie. (Des héritiers-dirigeants sont cités en exemples.)
“Arrivons-nous au bout de la démocratie ?” Michèle Cotta confesse que, par le passé, elle imaginait l’avènement des experts. Ce n’est pas du tout arrivé : au contraire, chacun veut avoir son mot à dire, y compris sur ce qu’il ne connaît pas. Il y a 40 ans, à la rédaction de L’Express, M. C. ne tenait pas compte des lettres de lecteurs, “des dingos”. De nos jours, les sites web leur offrent des tribunes et les réactions du lectorat font l’objet de débats internes.
“Nous avons sous-estimé le pouvoir d’Internet : il y a une déstructuration de notre mode de vie.”
“Il y a une crise de la démocratie. Le mythe de la démocratie directe est ravageur pour la démocratie représentative.”
Comment faire face à cette crise de légitimité ?
“Tout dépend du niveau de vie.” M.C. pense que la grande remise en cause de la légitimité des figures du pouvoir découle d’un abaissement du niveau de vie. Si un transfert de richesse de l’Europe vers ailleurs se produit, elle est pessimiste sur la légitimité future de ses dirigeants.
Xavier Huillard (représentant du monde des entreprises)
Délégitimation dans les entreprises ?
Le PDG de Vinci, un groupe qui vit des dépenses publiques, s’est concentré sur la (dé)légitimation des figures du pouvoir économique. Il y a pour lui une “crise de confiance” qui n’exclut pas une certaine schizophrénie, les Français soutenant leur employeur tout en étant prompts à dénigrer l’entreprise d’en face. Par ailleurs, “tout le monde touche à tout et donc il y a une délégitimation de tout le monde.” Ainsi, tandis que le monde associatif adopte des règles issues du monde économique (entrepreneuriat social), la “porosité entre les sphères du pouvoir” se traduit par des épisodes comme celui de la “prime à mille euros”, alors qu’il juge les hommes politiques illégitimes sur ce terrain.
Il refuse une confusion des genres, donc, mais invoque les mânes de Ford et consorts pour rappeler que l’entreprise, historiquement et par vocation, appartient à plus que juste ses actionnaires, même si seuls ceux-ci peuvent voter. En fait, les “écosystèmes” dans lesquels évoluent les dirigeants sont devenus si complexes que l’énergie de ceux-ci est dépensée à les comprendre au lieu de construire du sens, de l’utilité publique pour les entreprises.
Ses recommandations :
– les entreprises doivent communiquer sur leur projet ;
– on ne peut pas tout diriger du sommet, il faut promouvoir l’autonomie.
X.H. promeut la transparence comme antidote contre le risque de prise de grosse tête des dirigeants (“je suis un génie”). Mais il se méfie aussi des risques liés au fait de s’exposer. Sa règle de conduite est de jouer la transparence de base sur tout, et de procéder par exceptions raisonnées.
Comment faire face à cette crise de légitimité ?
Une bonne organisation, c’est de la cohérence, de l’autorité et de la responsabilité.
“Il y a un développement irréversible des partenariats public / privé”, explique le patron d’un des plus grands groupes mondiaux de bâtiments – travaux publics : “Il faut mener une réflexion sur le partage du pouvoir, sur la légitimité, et éviter la nostalgie du passé sur le partage des rôles.”
Raymond Soubie (représentant de la sphère politique)
Cet ancien conseiller de Nicolas Sarkozy rappelle que “la légitimité, c’est la conformité à l’ordre des règles préétablies”. De ce côté-là, “pas de problème : le pouvoir respecte les règles”. En revanche, il diagnostique une perte de reconnaissance des institutions politiques et d’entreprise. Le problème est pour lui cette absence de reconnaissance. “Les Français considèrent qu’ils ne croient plus au projet politique et aux entreprises.”
Par ailleurs, “les enquêtes montrent qu’il y a dans le management une impression de solitude, du désarroi, une déconnexion face à la complexité des systèmes où on se perd”.
C’est la même chose en politique. Il y a un décalage entre les promesses que les hommes politiques font pour être élus et la portée de leurs responsabilités. Les hommes politiques, en soulevant ces attentes, “creusent la tombe de leur délégitimation”.
Or, avec Internet, “n’importe qui peut dire n’importe quoi. Tout le monde est sur le même plan. Tous les coups tordus sont possibles, et l’homme politique court après les rumeurs.”
En conséquence, il y a deux sortes de transparence. La bonne, c’est la déclaration d’intérêts des responsables. La mauvaise, c’est la transparence absolue.
J.-P.B. tente une synthèse ce que dit R.S. : “Les décisions sont de moins en moins personnelles et le pouvoir de plus en plus solitaire.”
Les recommandations de R.S. :
– Il ne faut pas de contestation trop forte du système.
– Il faut permettre aux gens de s’exprimer (plutôt que de faire ce qu’ils disent).
“Le jeu de la démocratie est mortel pour celui qui s’y livre.” R.S. adopte la posture de l’homme politique qui tire une légitimité de l’Histoire plutôt que du peuple : “Je réalise mes objectifs, tant pis si je suis jugé froid. Je serai légitimé après par l’action que je vais mener.”
Comment faire face à cette crise de légitimité ?
R.S. propose d’accomplir quelques actes symboliques pour les valeurs affichées et de donner la parole aux gens pour qu’ils s’expriment.
Simon Goldsworthy (représentant du monde universitaire)
Ce professeur en relations publiques à l’université de Westminster a mis un bémol aux charges contre les médias et a appelé les figures du pouvoir à avoir le cuir un peu plus dur : “Les hommes politiques ne sont pas les derniers à lancer des rumeurs, ce ne sont pas des victimes.” D’ailleurs, “qui vit par l’épée meurt par l’épée” : en choisissant par exemple d’exposer sa famille, on en fait un objet médiatique valable.
Les relations presse (RP) ont, ironiquement, un problème d’image. Mais les gens détestent Ryanair tout en devenant massivement ses clients. L’industrie des RP emploie beaucoup plus de monde que les médias et fournit la majorité du contenu médiatique. Tout le monde utilise les relations presse, y compris les organisations non-gouvernementales.
S.G. évoque le manque d’intérêt des jeunes pour la politique. Il mentionne les ressemblances entre les partis politiques, dont les programmes sont passés à la moulinette du marketing. Il mentionne aussi que les problèmes de notre temps n’ont pas fait l’objet de débats publics avec votes, qu’il s’agisse de la façon de répondre au terrorisme, de la guerre en Irak, de la crise financière, etc. “Nous élisons des gens pour leur capacité à répondre aux crises futures. Examiner de près ces hommes est donc légitime.”
Comment faire face à cette crise de légitimité ?
Pessimiste, S.G. cite George Orwell : “If you want a picture of the future, imagine a boot stamping on a human face -forever.” “Ces choses vont continuer à faire partie du paysage.”
Deux questions
Quid de l’exemplarité ?
R.S. Pour l’homme politique, c’est se surveiller pour ne pas se retrouver dans les feuilles de chou. C’est aussi ne pas gagner trop d’argent. Cela se traduit par des gestes symboliques assez forts et assez simples.
M.C. Cette exemplarité est à définir, à border.
S.G. Au Royaume-Uni, les hommes politiques, bien qu’enthousiastes, ressemblent de moins en moins à la majorité de la population, elle-même désengagée en politique.
Un Autrichien installé en France depuis une dizaine d’années, professionnel des relations presse : “La démocratie française n’est plus exemplaire, elle est devenue une oligarchie politique, sans séparation des pouvoirs. L’Allemagne est plus fédéraliste ; il y a beaucoup plus de personnes qui décident. Par exemple, en France, une cinquantaine de personnes ont fait le choix du nucléaire à eux seuls.”
R.S. La classe politique est méritante, elle fait un métier difficile.
M.C. Il faudrait se pencher sur le fonctionnement des institutions, “revoir la pyramide”.
Réflexions
J’ai cru sentir M.C. exprimer un désarroi de voir contestée une élite d’experts. Le monde est certes complexe. Mais ces experts d’une autre génération donnent l’impression d’être dépassés par Internet et par les possibilités d’expression que celui-ci offre à une population beaucoup plus éduquée qu’il y a des décennies, lorsqu’ils firent leurs débuts.
X.H. semblait prendre en compte cette impossibilité à prétendre pouvoir tout faire et tout comprendre tout seul au sein d’”écosystèmes complexes”, d’où son appel à promouvoir l’autonomie des employés au sein de l’entreprise.
En même temps, s’il y a un rejet des figures du pouvoir, ce n’est pas par insoumission stérile des “n’importe qui” et autres “dingos”, mais parce que ces personnages ont failli dans leur expertise. Ils se sont trouvés pris au dépourvu par des phénomènes qui n’ont rien de mystique, comme les crises financières. Le fait que “personne ne comprenait les produits bancaires dérivés” qui ont frappé au coeur la croissance mondiale est-il un argument recevable ? (M.C. a eu un moment “It’s the economy, stupid!”, et le mouvement des “Occupy / 99%” qui symbolise récemment la critique du pouvoir met beaucoup l’accent sur les injustices économiques.) Comment être un expert quand on échoue à ce point ? Quand on est à la fois inefficace et qu’on fait preuve d’un manque d’éthique, “l’expertise” n’est qu’une qualité qu’on s’octroie pour discréditer ses interlocuteurs. Elle devient une sorte d’argument ad hominem, “vous n’êtes pas un expert, donc vous ne devriez pas avoir droit à la parole”.
Pour autant, M.C. fait preuve d’une certaine réflexion critique, en contraste avec l’anti-démocratisme assumé de R.S., dont la plupart des propos m’ont atterré. J’écris cela en 2011 et les mots de R.S. auraient peut-être pu être tenus en d’autres temps par le général de Gaulle, géniteur d’une Ve République taillée pour des hommes cabrés sur leurs convictions plus qu’adeptes des débats constructifs des agoras. Le rôle des processus démocratiques semble plus être pour lui de maintenir la paix sociale, de promouvoir le dialogue comme si on donnait un nougat, que de contribuer aux décisions. A mon sens, cela relève d’un orgueil tout sauf « efficient« . Pour moi, ce n’est pas seulement la légitimité qui vient de la collectivité, mais aussi la réponse, les réponses toutes faites d’un individu étant surclassées par la complexité des questions.
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