Les Vlorges noires

Un jour, il n’avait pu résister. Il s’était senti attiré, appelé. Comme dans un rêve éveillé, il s’était vu ignorer l’avertissement gravé par les Anciens, franchir le cercle tabou des pierres jaunes, être happé par la gueule déchiquetée de la Caverne Interdite. Il se souvenait avoir marché des heures dans l’obscurité sèche et morbide d’un labyrinthe silencieux. Enfin, il les avait vues sur leurs trônes de verre opaque, filaments ténébreux revêtus de poussière, paupières écrasées, bras flétris et longues langues moroses. Les Vlorges Noires. Les langues avaient claqué et elles avaient parlé. Elles voulaient s’échapper de leur prison. Elles voulaient retourner dans leur monde. Elles lui expliquèrent tout, patiemment, gentiment. Puis il s’endormit.
Il se réveilla dans son lit, l’esprit embrumé, le corps fiévreux et fatigué. Il courut à la Caverne Interdite : les pierres sacrées qui retenaient dans leur antre les êtres sombres avaient été renversées. Il regarda ses mains. Une fine pellicule de poussière jaune était visible à certains endroits. Il crut entendre un remerciement, un murmure qui, durant un voyage extrêmement long, se serait glissé entre les plans d’existence pour enfin aboutir dans le creux de son oreille. Il repartit, l’âme chargée de pressentiments.

Écrit en 1992 et publié par Shadrack le 22 janvier 2005 sur http://achernar.over-blog.com/article-70253.html.


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