La première fois que mes amis nanterriens s’invitèrent chez moi, je savais qu’il leur faudrait du café et, grâce à la prévoyance qui me caractérise, je fus en mesure de leur fournir du café percolé maison. Je me souviens de ma fierté tandis que je fis fonctionner ma cafetière toute neuve et que je leur servis à chacun une petite tasse de café made in Cyril. Andrine fut la première à goûter mon café, et je lui demandai si elle trouvait qu’il était bon. Sourire courtois de l’intéressée : « Ben… Non. »
Vous imaginez mon désarroi. Ce café était de la pisse à l’américaine, du chibronque comme disent les gens du Nord paraît-il, le genre de café qu’on vous fait boire dans la grande nuit des hôtels de Denver quand vous avez loupé votre vol pour le soleil californien ! Enquête fut menée et mes amis découvrirent que j’avais filtré du café instantané, ce qui, paraît-il, ne se fait pas. Ils devraient pourtant savoir que je fais fi des conventions sociales. Mais bon, ils m’ont fait comprendre que c’était mal. Mea culpa. Mea maxima culpa.
Jurant qu’on ne m’y reprendrait plus, j’achetai du café à filtrer de la marque Carte Noire qui est une excellente marque parce qu’ils ont plein de pognon pour passer à la télé. Pour mes amis, je demande toujours le meilleur ! Bien sûr, il a fallu qu’ils m’offrent un paquet de Carte Noire lorsqu’ils vinrent une autre fois passer la soirée dans mon antre clichois. Bonjour la confiance !
Quoi qu’il en soit, ces deux paquets sont revenus d’actualité ce soir, puisque Andrine et Guillaume se sont invités « pour le café » (avec quand même un texto quinze secondes à l’avance pour prévenir de leur arrivée). Illico, je ressors mon paquet entamé de Carte Noire et je concocte un merveilleux café avec une cafetière bien entretenue et un café à filtrer.
Je pose les tasses. J’observe. Andrine et Guillaume lisent.
« Voilàà, j’ai fait le café vous avez vos tasses devant vous.
– Oui oui. »
Finalement, l’un des deux se décide. Avec des gestes lents, Guillaume goûte le café. Dubitatif, j’observe et crois remarquer un manque d’enthousiasme. Guillaume sourit, Andrine pouffe.
« Hé bien…
– Mais dites-le s’il n’est pas bon ce café.
– Tu as remis de l’instantané ?
– Non non, c’est du vrai café !
– Tu devrais mettre plus de café ou moins d’eau. »
Aussitôt dit, aussitôt fait. Je jette le fond de café insipide. Je double la proportion de café. Je pose les tasses. J’observe. Trempage de lèvres. Moues.
« Mais il est bizarre ce café, je sais pas, ou alors c’est l’eau de Clichy qui n’est pas bonne. Tu as doublé la dose de café ?! »
Enquête. Examen de la cafetière.
« Tu as pensé à laver le filtre ?
– Bien sûr, voyons ! Et j’en ai pris un neuf à chaque fois.
– … »
Enquête et examen de la cafetière. Bon, apparemment, je n’aurais pas dû ajouter un filtre en papier au filtre lavable déjà fourni avec la cafetière. Maintenant, je sais que c’est redondant. Mais à l’époque, il y a deux heures, j’ignorais ce détail.
« Mais tout de même, il a un goût bizarre ce café. Peut-être que tu as ouvert le paquet il y a trop longtemps et que le contenu ne s’est pas bien conservé ? Tu es sûr que la date de péremption n’est pas dépassée ? Non, ça n’a pas l’air.
– « Septembre 2004 »
– Ah si quand même…! Ça doit être ça, le café n’était plus bon, je savais bien qu’il était bizarre. Qu’est-ce que tu nous a fait boire !
– Désolé, attendez je peux encore faire du bon café, j’ai un autre paquet qui n’a pas été ouvert. Je le prends… Je vérifie quand même la date de péremption : « Juin 2004 ». Bon, poubelle. Allez, j’ai une bonne théière, je fais chauffer de l’eau et on se prend un petit instantané ! »
Je vide les tasses. L’eau chauffe, Guillaume verse à chacun une cuillerée d’instantané. Je verse l’eau brûlante. J’observe. Tel Jacques Vabre, Guillaume trempe précautionneusement ses lèvres dans sa tasse. Puis la repose, pour le verdict. Ne la finit pas.
« Euh, c’est brûlant. »
Je rigole. Je me tourne vers Andrine, désespéré. Elle repose sa tasse sans la finir.
« Cyril, tu vas faire le café quand on sera au ski. Oui. D’ici notre départ, tu auras appris à faire du café ! »
Mais je sais déjà, Andrine. Quelques circonstances ont joué en ma défaveur, ce soir. J’ai juré qu’on ne m’y reprendrait plus. Vous verrez, mon café sera le meilleur de tous les cafés.
Texte publié le 18 janvier 2005 sur http://achernar.over-blog.com/article-64519.html.
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